L’armistice est signée… La fête est finie, les bals musettes, les étreintes, les chants, les festins, les airs de joie et les flonflons sont éteints… La fête est bien finie.
Chacun retrouve sa maison, son travail, sa peine à sa ferme ou son atelier et d’un seul coup la tristesse et la réalité de la vie reprennent le dessus. Les prisonniers reviennent un à un, oui mais… Où est ma femme, où sont mes vaches si belles que j’ai laissées et mes gamins qui ne me reconnaissent plus… Le prisonnier est devenu l’étranger de la famille… Il avait fallu que chaque femme devenue chef de famille assure le quotidien de la maisonnée, les repas, le ravitaillement, la production de la ferme… On vivait en autarcie, peu d’achats (il n’y avait rien à vendre ou à prendre), peu de production, tout avait été réquisitionné par les allemands. Seules les basses-cours étaient fleurissantes car elles nourrissaient la famille. Le lait, la crème, le beurre étaient au menu de chaque jour, les légumes du jardin étaient bichonnés. Chaque foyer avait la production d’une ou deux tôtes de jardinage chez son voisin paysan en échange d’un coup de main aux travaux de la moisson ou des foins etc… Le cochon, « le seigneur de la maison », ne sentait pas mauvais car chacun avait aménagé un coin de bâtiment pour l’engraisser. Le gazon avait été retourné pour planter des pommes de terre. Le deuxième ennemi national s’appelait le doryphore. Les larves rongeaient les feuilles des pieds de pommes de terre. La larve de l’insecte était si redoutable que les écoliers étaient envoyés par groupe pour ramasser ces insectes et les mettre en bouteille pour ensuite les brûler.
Après la quasi famine de la guerre, il fallait s’organiser pour produire, les agriculteurs étaient sommés de mettre en œuvre les conseils de vulgarisation émis par la chambre d’agriculture.
Une école d’agriculture s’ouvre près de Pont- Audemer, « le Château de Tourville ». Les jeunes gens étaient priés d’y entrer pour apprendre l’agronomie, plutôt que le latin. La mécanique agricole s’améliore et les premiers tracteurs font leur entrée dans les fermes avec le coup de pouce du Crédit Agricole. C’est ainsi que peu à peu disparaissent les attelages de chevaux.
Cela mit plus de 10 ans pour faire cette révolution technique. Les engrais sont revenus doucement, on recommence à sortir les tonnes à pulvériser chimiquement !
La main d’œuvre est attirée vers les usines des villes environnantes, nos campagnes se dépeuplent, la radio annonce un autre monde plus ouvert vers la production et la consommation. Les jeunes sortent en vélo le dimanche. Ils découvrent un monde nouveau et ils ne veulent plus être les « péquenots » des villages de campagne ou les « culs terreux ». Ils sont attirés aussi par les mouvements de la jeunesse agricole catholique qui s’étend à toute la France : c’est le grand rassemblement de la J.A.C qui ressoude tous les groupes humains et divers, leur donne des pistes pour sortir du moyen-âge et construire la France de demain.
Nos responsables d’aujourd’hui sont les jeunes de l’après–guerre qui ont reçu cette logique de courage et de vertu qui a fait le monde paysan d’aujourd’hui.
Voici l’image de l’agriculture d’hier, celle d’après la guerre mais il y avait aussi le monde des artisans, des commerçants et autres acteurs de nos villages…